AYANT Yves - 1946 s
AYANT (Yves), né à Ollioules (Var) le 6 janvier 1926, décédé à Grenoble (Isère) le 8 juin 2016. – Promotion de 1946 s.
Dans le répertoire des chansons d’archicubes, il est ques- tion des rêves et des ambitions d’un conscrit . Ce ne fut en rien le cas d’Yves Ayant ; il avait certes toutes les qualités intellectuelles pour les justifier, mais aucun désir de briller dans un monde qui l’effrayait un peu : il était satisfait de la fréquentation de ses familiers et de ses collègues les plus proches . Né à Ollioules, dans le Var, il était devenu pari- sien en suivant son père, employé aux chemins de fer, qui avait été muté à Paris . Il intègre l’École en 1946 . C’était un des rares endroits en France où l’on avait conscience du retard pris par la recherche universitaire française ; son diplôme d’études supérieures, dans le laboratoire de Fréderic Joliot, aida Yves Ayant à prendre conscience de cette situation, et c’est pratiquement tout seul qu’il apprit la mécanique quantique, et surtout à l’utiliser comme un outil .
C’est pourquoi il fut recruté comme thésard au laboratoire de l’École dans l’équipe de Pierre Grivet (1931 s) qui se lançait, avec quelques jeunes physiciens, dans une technique nouvelle, la Résonance magnétique nucléaire (RMN) ; en pratique, le manque de moyens matériels avait amené plusieurs des chercheurs à s’intéresser à une variante, la résonance quadripolaire . Et Yves Ayant entreprit de faire la théorie des « temps de relaxation » dans ces expériences .
Et, tout seul, voyant que certains raisonnements de physique classique peuvent aider à comprendre ces phénomènes quantiques, il inventa la fonction de corrélation quantique, qui sera, avec quelque formalisme supplémentaire, généralisée et popu- larisée sous les noms de fonction de Green ou de fonction de réponse . Il démontra ses propriétés thermodynamiques . Il aurait pu être reconnu pour l’originalité de son travail, mais qui va s’intéresser à une thèse et à un article d’une revue publiée – à l’époque – en français ? Comme ce calcul était dans l’air du temps, seuls quelques collègues français sauront l’apprécier .
Louis Néel (1924 s), pour joindre à ses travaux sur les matériaux magnétiques des études de dynamique, avait fait venir à Grenoble une équipe issue du laboratoire de Grivet et menée par Michel Soutif (1942 s) ; pour renforcer cette équipe, ce dernier obtint pour Yves Ayant un poste de maître de conférences – on dirait maintenant professeur de deuxième classe – à la faculté des sciences de Grenoble .
Il y créa un enseignement de physique théorique, qui a marqué plusieurs géné- rations de physiciens locaux . C’était ce qui convenait à ces expérimentateurs qui voulaient de la « théorie pratique », un formalisme pour décrire les expériences ; mais il n’était pas question de faire de l’à-peu-près : au contraire, il s’efforçait de faire des exposés rigoureux, adaptés à la formation imparfaite des physiciens de l’époque . Puis, au fur et à mesure de l’amélioration des programmes d’enseignement, il fit évoluer son enseignement, y ajoutant un cours de mathématiques pour physiciens, par exemple . De plus, lorsque l’Institut polytechnique de Grenoble eut à former des ingénieurs pour l’industrie nucléaire, il adapta pour eux ses cours de mécanique quantique .
Par ailleurs, il dirigea un petit groupe de recherche, et intervint en suggérant des idées aux expérimentateurs de résonance magnétique ; sans insister sur les aspects techniques, il faut signaler ses contributions au développement des masers, ancêtres des lasers, et ses théories sur les spectres des composés de terres rares, et, en chimie physique, ses importantes contributions aux phénomènes de relaxation intermolécu- laire dans les liquides . À ceci, il faut ajouter l’écriture, avec son élève Élie Belorizky, d’un traité de mécanique quantique plusieurs fois réédité, et d’un traité de mathéma- tiques « utiles aux physiciens » .
De plus, il est bon de signaler une activité de consultant auprès des ingénieurs du Centre d’études nucléaires de Grenoble chargés de développer une méthode de détec- tion des fluctuations fines du champ magnétique terrestre . Sa trop grande modestie naturelle, jointe à son talent d’enseignant, permettait une coopération avec des gens qui, le retard du pays ne pouvant être rattrapé instantanément, avaient une formation éloignée de la théorie quantique .
Mais, heureusement, son activité professionnelle ne l’empêchait pas d’être un agréable compagnon, ne se prenant pas au sérieux, grand amateur de musique clas- sique, violoniste amateur, trop modeste pour en faire profiter ses collègues ; le seul talent qu’il ne cachait pas était son habileté aux boules, tireur à la longue provençale, bien sûr .
Depuis son arrivée à Grenoble, il allait se ressourcer dans le Midi pour ses vacances, et c’est là qu’il rencontra une pharmacienne qu’il épousa en 1958 . Ils s’installèrent à Grenoble, élevèrent leurs trois enfants . Quand arriva l’âge de la retraite, il retourna au Brusc – Six-Fours, dans la propriété familiale qu’il aimait tant . Puis, après le décès de sa femme, il repartit terminer sa vie à Grenoble, près de l’aînée de ses enfants, de son petit-fils, et de ses anciens élèves .
Pierre AVERBUCH (1951 s)