QUEMADA Daniel - 1950 s

QUEMADA (Daniel), né le 5 février 1933 à Colombes (Hauts-de-Seine), décédé à Moissac (Tarn-et-Garonne) le 28 juillet 2012. – Promotion de 1950 s.


Daniel Quémada, tout jeune maître de conférences, a créé en 1969 le Groupe de physique des plasmas stellaires et planétaires grâce à une aide individuelle du CNRS . Il s’entoure rapidement de quelques assistants et de jeunes dont il dirige la thèse .

C’est un laboratoire à la fois de théoriciens et d’expérimentateurs . Ce sont les années qui suivent les grands bouleversements de Mai 68, et la faculté des sciences est en refondation avec la création en 1971 d’une université de type pluridiscipli- naire, l’université de Paris-VII . C’est la période des grands projets, celle d’une vision nouvelle de l’Université, et Daniel y participe avec passion (comme tout ce qu’il entreprenait, il faut le dire) . Ce ne sont pas les visions différentes qui manquent et ce n’est pas sans débat ni conflit que se construisent les choses . Le temps passé à ces débats, à cette reconstruction, il ne le compte plus . S’il participe à la fondation de la fac, il se consacre également avec énergie à développer le laboratoire . Mais la physique spatiale ne permet guère de maîtriser à la fois les développements théoriques et l’expé- rience tout en restant maître des projets et de leur définition . Parallèlement, Daniel recherche une activité scientifique qui soit peut-être plus directement au service de la société, en contact avec l’homme, et qui s’enrichisse du croisement des compétences de plusieurs disciplines . L’idée mûrit de la création d’un nouveau laboratoire . Que de réunions n’a-t-il pas organisées pour aborder de manière collégiale la réflexion sur cette création . Cela nécessite une reconversion de la part de ceux qui, avec lui, feront ce choix, mais c’est avec enthousiasme que la plupart de ceux qui l’entourent acceptent de tenter l’aventure avec lui . Le virage se fait pour la création d’un labo- ratoire dont la thématique est celle de l’hydrodynamique physiologique . Le nom de « groupe de physique des plasmas » est retenu pour identifier le laboratoire lors de cette période de reconversion commencée en septembre 1971 et qui sera prati- quement achevée en 1973 . Les contacts avec le monde médical sont nombreux, et en 1974 le laboratoire devient officiellement le LBHP, Laboratoire de bio-rhéologie et d’hydrodynamique physiologique . En 1976 il est reconnu comme équipe de recherche associée au CNRS (ERA 662) . Les questions fondamentales rencontrées tant en rhéologie qu’en transfert de masse et de chaleur amènent Daniel à orien- ter le laboratoire sur un domaine de recherche plus vaste et en 1982 il devient le Laboratoire de bio-rhéologie et d’hydrodynamique physico-chimique, unité associée au CNRS (UA343) . Une partie du laboratoire est installée en milieu hospitalier (à la Pitié-Salpêtrière) . Daniel a une activité débordante tant pour le laboratoire que pour l’enseignement . Il crée des formations doctorales avec cette intuition des domaines émergents, intuition parfois trop précoce pour être facilement reconnue, mais qui le conduit vers des projets prometteurs . Ceci est vrai en ce qui concerne la bio-rhéolo- gie et la bio mécanique, où il sera l’un des pionniers en France, mais aussi en ce qui concerne la rhéologie des milieux dispersés et les phénomènes de transport de masse et de chaleur dans les procédés industriels . Les thématiques du laboratoire vont alors de la propagation des ondes dans les artères à l’écoulement des boues de forage, en passant par la mécanique des lymphocytes et la rhéologie des produits agro-alimen- taires . Mais à côté des problèmes scientifiques il avait aussi à gérer de nombreux problèmes de type organisationnels ou administratifs . Au tout début des problèmes liés à la présence de flocages d’amiante sur le site de Jussieu, il a réussi, alors que rien n’était encore décidé pour le site lui-même, à convaincre les membres du laboratoire de la nécessité de mettre des gaines de protection sur tous les flocages du laboratoire .

Enseignant apprécié, on pouvait le trouver, avant un cours, dans son bureau, atten- tif à revoir ses notes, mais ses étudiants étaient souvent étonnés de le voir, ensuite, couvrir un tableau d’équations compliquées qu’il maîtrisait parfaitement sans aucun support ! Daniel, était un passionné . Les discussions professionnelles avec lui témoi- gnaient d’une culture scientifique qui impressionnait . Ses convictions l’amenaient aussi à partager ce qui lui tenait à cœur, et ceci même avec ceux qui ne pensaient pas comme lui . Discussions vives, mais toujours marquées de respect mutuel malgré les différences de pensée . Homme de gauche, comme on dit maintenant, il a toujours eu le souci, y compris professionnellement, de ceux qui étaient dans les difficultés . Il savait aussi exprimer des exigences éthiques de respect et de droiture .

L’activité scientifique de Daniel, particulièrement volumineuse, a commencé par un ouvrage sur les plasmas et s’est terminée par des ouvrages relatifs à la modélisation rhéologique structurelle ; elle reste celle d’un pionnier, d’un précurseur non seule- ment en ce qui concerne la biomécanique, mais aussi la rhéologie . Ses travaux en rhéologie font référence dans le domaine des milieux dispersés concentrés . En 1996, Daniel recevait à Metz le grand prix du Groupe français de rhéologie pour l’ensemble de ses travaux en rhéologie et en particulier pour sa contribution à l’étude des milieux dispersés concentrés . Il laisse d’ailleurs son nom à un modèle rhéologique, le modèle de Quémada, qui décrit non seulement le comportement des milieux dispersés concentrés mais qu’il a étendu aux milieux complexes élasto-thixotropes . Ce modèle a été utilisé par de nombreux auteurs de la communauté scientifique internationale .

Sa retraite lui avait permis de continuer à écrire articles ou ouvrages, mais surtout de se consacrer plus intensément à sa famille et en particulier à ses petits-enfants . Daniel qui nous a quittés de manière accidentelle le 28 juillet 2012 restera pour nous un passionné qui a su communiquer cette passion à ceux qui l’ont connu . Pour beau- coup d’entre nous qui l’avons côtoyé il était surtout devenu un ami, et ce témoignage est d’abord un témoignage de reconnaissance et d’amitié .

Patrice FLAUD,
professeur à l’université Denis-Diderot