RICARD Daniel - 1965 s
RICARD (Daniel), né à Grand-Bourg (Creuse) le 8 mai 1945, décédé à Corbeil- Essonnes (Essonne) le 20 novembre 2016. – Promotion de 1965 s.
La date de naissance de Daniel était une source annuelle de plaisanteries : « Demain, c’est férié parce que c’est l’anniversaire de Daniel » . Nous étions tous deux physiciens et avions une promotion d’écart mais, comme il n’avait pas présenté l’agrégation, nous nous sommes retrouvés en septembre 1968 à commencer nos thèses dans le même laboratoire d’optique quantique, sous la direction de Jacques Ducuing à l’Institut d’optique, localisé à l’époque sur le plateau dominant le campus d’Orsay .
Comme nous avions une promotion d’écart du fait de ses difficultés de scolari- sation dans son petit village, nous ne nous sommes vraiment connus qu’en 1968 . Comme j’étais caïman, j’avais temporairement obtenu un logement à l’École . Lui était en 4e année, si bien que nous faisions tous les jours le déplacement vers Orsay par la ligne de Sceaux, qui ne s’appelait pas encore RER B et qui, fait très impor- tant, avait la station Luxembourg comme terminus . Cela faisait que nous étions assis dans les rames, assez souvent en compagnie de deux autres normaliens, l’un et l’autre physiciens théoriciens, dont je tairai les noms par pudeur . Ces jours-là, en effet, nous faisions semblant de ne pas les connaître : pendant le trajet, ils discutaient vivement de physique, écrivant des équations en l’air ou sur la buée de la fenêtre . Parfois, leur professeur était du voyage et les discussions étaient encore plus animées !
La thèse de Daniel portait sur les colorants comme la rhodamine qui absorbent la lumière et la réémettent par fluorescence après réarrangement de la molécule . Le travail consistait précisément à mesurer le temps de ce réarrangement . Ce temps est dans le domaine des picosecondes (10-12 s) et, pour faire cette mesure, Daniel avait monté un laser à modes couplés qui délivrait des impulsions de cette durée . À l’époque (début des années 1970), chaque chercheur fabriquait et réglait ses lasers lui-même et on était loin des femto secondes (10-15 s) d’aujourd’hui .
Je me souviens qu’à un moment donné, Daniel avait souhaité employer comme solvant non pas l’éthanol (l’alcool éthylique bien connu) mais des alcools plus lourds (propanol, butanol et au-delà) qui sont plus visqueux . Le problème était que ces alco- ols dégageaient une odeur rappelant irrésistiblement le parfum des chaussures dans un vestiaire de football, ce qui le gênait et suscitait évidemment d’infinies plaisanteries .
Daniel a donc soutenu sa thèse début 1976 au sein du laboratoire d’optique quan- tique qui, entretemps, avait migré à l’École polytechnique, thèse qui lui a valu une médaille de bronze du CNRS . Il a poursuivi sa carrière au CNRS jusqu’au poste de directeur de recherche . Comme il se doit, il a encadré plusieurs thèses, dont celles de François Hache et de Marie-Claire Schanne-Klein . Il est resté fidèle au laboratoire d’optique quantique jusqu’à sa disparition vers l’an 2001 . Il s’est alors dirigé vers le laboratoire Aimé-Cotton, situé exactement à côté de l’institut d’optique de ses débuts . La boucle était bouclée ! Là, il a changé de sujet, pour étudier les matériaux à hole-burning spectral .
Ce travail de recherche n’a pas duré longtemps, en fait jusqu’au départ de Daniel à la retraite en 2002 . Ce départ précoce fut imposé par la maladie de Parkinson qui l’avait frappé dès le début des années 1980, époque où j’ai moi-même quitté le laboratoire pour entrer dans l’industrie .
Mon départ du CNRS ne m’a pas empêché de garder contact et de suivre la carrière de Daniel via mon épouse enseignante à l’X . Lui, qui avait toujours travaillé au CNRS, s’est alors découvert une passion pour l’enseignement . À son retour de Berkeley (1980-1981), il est devenu maître de conférences de première catégorie à l’École polytechnique qui abritait déjà son laboratoire . Sa pondération et son sérieux y ont fait merveille ; les élèves, régulièrement consultés, louaient son calme et la clarté de son enseignement de mécanique quantique . Il y a donc accompli deux mandats, de 1983 à 1995, le maximum, plus deux ans de prolongation de 1995 à 1997, en même temps qu’un enseignement dans plusieurs DEA .
La maladie, qui ne l’a pas quitté depuis les années 1980, gênait ses mouvements et a indirectement causé l’infarctus qui devait l’emporter . Il laisse un souvenir impé- rissable à son épouse Lucette, ses filles Cécile, Marie-Hélène et Béatrice, à ses sept petits-enfants et aussi à ses très nombreux étudiants de Polytechnique et de l’université de Paris-Sud .
Jean-Paul HERMANN (1964 s)