SANS Édouard - 1955 l

SANS (Édouard), né à Saurat (Ariège) le 21 juillet 1934, décédé à Toulouse le 22 avril 2017. – Promotion de 1955 l.


Cette notice a été écrite à la demande expresse d’Édouard dès 2008 par son ami germaniste Jean-Louis Bandet de la promo- tion 1952 l. Édouard souhaitait qu’on la publie malgré le décès de J.-L .Bandet intervenu en 2011.

Il est peu courant, et en soi contraire aux lois de la nature, que l’aîné rédige une telle notice pour son cadet . C’est Édouard qui m’a demandé, bien avant que le moment soit venu, de prendre ainsi la plume ; ce témoignage d’amitié et de confiance, exprimé avec toute la sincérité et la droiture qui faisaient son caractère, m’a profondément touché .

C’est l’année où je préparais l’agrégation que je vis arriver à l’École un conscrit, avec qui je me découvris aussitôt bien des points communs : il était Ariégeois, j’étais Audois, nous avions l’un comme l’autre commencé notre préparation au lycée de Toulouse, avant de l’achever à Louis-le-Grand ; ensuite, après l’École, nous avons, à quelques années de distance, continué notre formation, nos Lehrjahre, dans un établissement assez différent, à Saumur, d’où nous sommes partis pour un assez long séjour outre-Méditerranée . Il y fut l’un de ces officiers S .A .S . qui, au prix de bien des difficultés et des dangers, se consacraient avec ardeur et conviction aux populations locales . Il en revint en 1962 avec la croix de la Valeur militaire .

Nous avons réellement fait connaissance quelques années plus tard : nommé chargé d’enseignement, comme on disait alors, à la faculté des lettres de Rennes, j’y ai retrouvé mon jeune camarade ; il venait de quitter un poste d’assistant pour devenir censeur du lycée Chateaubriand : l’atmosphère pré-soixante-huitarde de l’Univer- sité, avec ses incertitudes, le malaise diffus qui y régnait, le sentiment de vivre la fin d’une époque et d’aller vers un avenir incertain ne satisfaisait guère l’esprit rigoureux, exigeant, dur au travail, de ce descendant de paysans montagnards .

Il entama ainsi une carrière administrative, qu’il partagea entre sa région natale et sa patrie culturelle d’adoption, l’Allemagne . Inspecteur d’académie à Rodez (de 1967 à 1972), puis à Auch (1972-74), alors qu’il était pressenti pour un poste de recteur, il a préféré ensuite celui de directeur de l’Enseignement français des FFA à Baden- Baden . De retour en France, en 1980, il fut nommé d’abord à Carcassonne comme directeur des services départementaux de l’Éducation nationale et enfin, à partir de 1982 et jusqu’à sa retraite en 1994, inspecteur pédagogique régional à Toulouse .

Son engagement lui a valu les plus hautes distinctions académiques (il a été nommé officier des Palmes académiques en 1987) et les plus grands honneurs : après avoir obtenu le Mérite en 1987, il fut fait chevalier de la Légion d’honneur en 1994 .

Les tâches administratives qu’il a si bien remplies ne l’ont pas empêché de se consa- crer, tout au long de sa vie, à des travaux de recherche en germanistique . Outre sa thèse présentée pour le doctorat d’État en 1973, publiée aux éditions Klincksieck sous le titre « Richard Wagner et la pensée schopenhauerienne », rééditée en 1999 avec l’intitulé « Richard Wagner et Schopenhauer », il a consacré plusieurs publica- tions, traductions, études, au philosophe et à ceux qui se sont inspirés de lui, Wagner et Nietzsche . Il est entre autres l’auteur du « Que Sais-je » consacré à Schopenhauer paru en 1990 .

Grand connaisseur de la musique allemande du xixe siècle, fréquentant régulière- ment des concerts, il animait débats et discussions ; il a aussi apporté de précieuses contributions à des ouvrages qui ont servi à faire connaître au public non-germaniste les grands auteurs du siècle dernier : Hesse, Hofmannsthal, et d’autres . Sa bibliographie ne déparerait pas le curriculum d’un enseignant d’université, et le volume qu’il a consacré à son pays natal, l’Ariège, montre combien il était attaché à son terroir .

Je me souviens encore du jour où, dans la maison de Saurat où il est né, et d’où il me montrait le pré en pente abrupte que, autrefois, son père fauchait à la faux en s’encordant pour ne pas tomber dans le précipice, il évoqua l’instituteur du village qui, ayant discerné ses dons, l’avait présenté au concours des bourses, lui ouvrant ainsi les portes du lycée de Foix, puis celle des études supérieures .

Comment n’aurais-je pas pensé alors que toute l’histoire d’Édouard, comme celle de tant d’autres, comme la mienne, est celle de ces enfants issus de longues lignées paysannes qui, grâce à l’école, ont pu et su accéder à un niveau culturel qui restaient inaccessibles à leurs ancêtres ? N’est-ce pas là la véritable démocratisation ?

À Colette dont la famille maternelle est originaire du même village qu’Édouard, qui a fait les mêmes expériences que lui et qui a partagé sa vie, à leurs deux filles, j’apporte ce témoignage de ma tristesse et de ma fraternelle amitié .

Jean-Louis BANDET (1952 l)