PERRIER Simone - 1955 L
PERRIER (Simone), née le 1er janvier 1935 à Aix-les-Bains (Savoie), décédée le 26 mars 2019 à Chambéry (Savoie).– Promotion de 1955 L.
Simone Perrier, née dans une famille d’origine modeste, d’une mère peu instruite mais aimant l’instruction, passionnée de lecture, et d’un père ouvrier électricien qualifié, troisième enfant d’une fratrie de quatre, devenus tous enseignants, a été une brillante élève du lycée d’Aix- les-Bains, lauréate du concours général en grec et en latin ; normalienne, agrégée des lettres classiques (1959), elle a d’abord enseigné au lycée, à Troyes, à Compiègne, puis à Aubervilliers, avant d’être nommée en 1965 assistante à la Sorbonne, qu’elle quitta en 1968 pour rejoindre la nouvelle université Paris-VII, où elle fut maître-assistante . Bien qu’il me soit difficile d’évoquer le souvenir de Simone, tant j’ai du mal à croire à son brusque départ, qui me laisse désemparée, tant elle reste présente pour moi, je ne saurais me dérober au devoir de mémoire, désirant témoigner de mon admiration et de mon affection pour cette amie incomparable . Lorsque nous avons fait connaissance, dans notre vingtième année, j’ai été immédiatement séduite par sa personnalité si attachante, par son charme, par sa vive intelligence, par sa générosité ; et je n’ai jamais été déçue...
Durant nos années d’École, partageant les mêmes convictions « de gauche », nous sommes allées ensemble à de nombreuses manifestations . Elle a ensuite activement participé aux événements de Mai 1968 à Paris, et elle a contribué avec des collègues à créer en 1970 l’UFR de l’université Paris VII, STD (Science des Textes et des Documents) .
Elle a toujours montré un vif intérêt pour « les choses de la vie », en tous domaines ; elle a notamment pris part à l’enseignement en prison : elle a été appelée à diriger en 1995 la Section des Étudiants Empêchés (SEE), qui dispensait cet enseignement . Toujours attentive à ses responsabilités, elle préparait avec grand soin ses cours, fort appréciés de ses étudiants .
Ses travaux ont porté surtout sur la poésie française de la Renaissance, comme en témoignent d’excellents articles sur Marot, Scève, Du Bellay, Ronsard ; et aussi sur Montaigne . Elle a organisé, souvent avec Françoise Charpentier, de nombreuses Journées d’études sur la littérature du xvie siècle, sur Scève, Du Bellay, Marguerite de Navarre, Georgette de Montenay, et a pris soin de publier les communications dans la revue Textuel.
Nous avons tous apprécié sa finesse, la sûreté de ses jugements, la qualité de son écriture : chez elle la vivacité de l’intelligence s’associait à une sensibilité toujours présente . Et les auteurs réputés difficiles, comme Scève ou Montaigne, ont toujours attiré son attention, stimulant sa curiosité, « encourageant » en quelque sorte sa capacité à creuser un texte pour en dévoiler les arcanes .
Rappelons-nous encore que Simone, dont la brillante intelligence n’a jamais cessé de susciter mon admiration, a toujours su rester à l’écoute des autres – non seulement des membres de sa famille, mais aussi des amis, des camarades, ou des personnes dont la situation était difficile, quelle qu’en soit la raison –, partageant leurs joies, leurs peines, et s’efforçant de les aider . C’est cette forme d’échange que je regrette tout particulièrement, et ma reconnaissance à son égard n’a d’égale que l’affection que je lui porte, une affection que la mort ne saurait faire disparaître . Comment ne pas penser au « poème de l’amitié » que composa saint Augustin dans le quatrième livre de ses Confession, pour évoquer son désarroi lorsqu’il perdit un ami auquel il était si profondément attaché qu’il le nommait, à la suite d’Horace, « la moitié de son âme » ? Et il interroge alors avec subtilité le mystère des larmes, qui changent étrangement en douceur son amertume .
Si, dans le chagrin que me cause sa perte, mon cœur se couvre de ténèbres comme celui d’Augustin, il me reste le souvenir vivant d’une personne particulièrement atta- chante, et en lui disant adieu, je voudrais témoigner de ma peine à ses proches, à ses trois fils tendrement aimés, Pierre-Yves, Alain et Gilles Gabay, à son frère Hubert (1965 l), à son compagnon, notre ami Michel Sandras, en attestant que sa lumineuse image ne saurait s’effacer de notre cœur .
Gisèle MATHIEU-CASTELLANI (1955 L)