DAVID Marcel - 1936 s

DAVID (Marcel), né le 29 mai 1917 à Rosières-aux-Salines (Meurthe-et- Moselle), décédé le 15 janvier 2017 à Reims (Marne). – Promotion de 1936 s.


Entré en 1936 à l’École normale supérieure après de solides études au lycée Henri- Poincaré de Nancy, agrégé de mathématiques en 1939, Marcel David commence une carrière de professeur de lycée à Clermont-Ferrand quand débute la Seconde Guerre mondiale . Révoqué en 1941 par le gouvernement de Vichy en raison de ses origines sémites, ce lorrain, mobilisé en 1940 comme aspirant à Toul, participe dès lors à la Résistance dans les maquis des francs-tireurs de la Dordogne en qualité de lieutenant des Forces françaises de l’intérieur (F .F .I .) . Il est interné pour fait de résistance dans un camp d’internement près de Limoges en 1943 puis il passe dans le maquis de Dordogne Sud fin 1943 . Comme lieutenant F .F .I ., il participe à la libération de la ville de Bordeaux et agit en opération contre la poche allemande de la pointe de Grave .

En 1944, à la Libération, il est réintégré dans l’éducation nationale comme profes- seur dans les lycées de Bordeaux, puis à Saint-Germain-en-Laye au lycée Marcel-Roby (1950-1953) et à Paris, au lycée Jean-Baptiste-Say (1953-1955) . Marcel David devient titulaire d’une chaire de classe préparatoire aux grandes écoles (au lycée Saint- Louis), après avoir soutenu en 1955 une thèse de doctorat d’État sur L’approximation simultanée de deux nombres irrationnels, thèse qu’il avait entamée dix ans auparavant, au sortir de la guerre .

Recruté en 1953 en qualité de chargé de cours à la Sorbonne, à proximité du lycée Saint-Louis où il va exercer à la rentrée scolaire de 1955, le docteur ès sciences mathé- matiques est remarqué par Joseph Pérès, le doyen de la faculté des sciences de Paris, qui lui propose, au printemps 1956, de conduire une importante et triple mission : Créer avec la municipalité de Reims une antenne scientifique de la Sorbonne dans des locaux provisoires, entre la cathédrale et la basilique Saint-Remi, au cœur de la cité des sacres ; Préparer avec les responsables de la haute administration du ministère, la transformation de cette antenne en deuxième faculté des sciences de l’académie de Paris ; Suivre les travaux engagés pour que cette transformation de l’école supé- rieure des sciences de Reims en faculté de plein exercice aboutisse à la réalisation d’un campus moderne, d’inspiration californienne, tel que celui de l’université Stanford ou de Berkeley .

En 1958, le passage de la ive à la ve République change le périmètre de la mission confiée à Marcel David . Il ne s’agit plus de l’académie de Paris et de l’accueil des étudiants en surnombre à la Sorbonne dans une seconde faculté assez éloignée de la capitale pour leur offrir de meilleures conditions d’étude, notamment loin des distractions et du stress de l’agglomération parisienne . Il s’agit de l’académie de Reims, créée pour la circonstance, et de la promotion d’un enseignement supérieur scientifique de proximité pour les jeunes bacheliers des départements limitrophes de la cité des sacres .

Dès 1960, la création de la faculté des sciences de Reims par décret du gouverne- ment atteste du succès, en quatre ans seulement, des première et deuxième parties du projet conduit par Marcel David . Les enseignements des trois certificats préparatoires à la licence ès sciences – mathématique générale et physique (MGP), mathématique, physique, chimie (MPC) et sciences physiques, chimiques et naturelles (SPCN) –, sont non seulement sur rails mais très rapidement en régime de routine . Les innom- brables certificats qui les complètent pour l’obtention du grade de licencié sont ou vont être ouverts dans l’année qui suit . Les locaux provisoires voient de nombreux étudiants des départements de l’Aisne, des Ardennes, de l’Aube, de la Haute-Marne et de la Marne, s’y presser à l’étroit avant même d’être terminés . Des démarches de recherche scientifique conduisant au diplôme d’études supérieures et au doctorat d’état débutent dans tous les cursus : mathématiques, physique, chimie, biologie et géologie .

Élu doyen à la création de la faculté, de 1961 à 1967 puis de 1971 à 1974 le profes- seur David est invité par les tutelles à poursuivre la passionnante mais très prenante responsabilité qu’il avait acceptée d’assumer en 1956 : créer un campus universitaire sur le modèle anglo-américain, avec des bâtiments multiples dédiés à l’administra- tion, à la bibliothèque, aux différents enseignements, aux laboratoires de recherche, à l’hébergement des étudiants, à la pratique du sport et même, nouveauté dans le paysage universitaire français, au logement des professeurs !

De 1961 à 1967, tout en veillant au bon fonctionnement de la toute jeune faculté dispersée dans le « Quartier latin » de la ville, à proximité de l’ancien collège des Bons-Enfants qui abrita l’université d’ancien régime, du xive au xviiie siècle, Marcel David, s’investit dans la réalisation d’un vaste campus universitaire .

Les personnels et étudiants, commencent à emménager en 1965 dans ce qui va être désormais la faculté des sciences du Moulin de la Housse . C’est d’emblée un total et beau succès quoique tout ne soit pas terminé . Ce le sera rapidement . Seules, au final, les villas des professeurs n’y verront jamais le jour . Il faut dire que les événements de Mai 1968 modifieront profondément la vision de la République sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique qu’elle entend promouvoir .

L’œuvre de plus de dix années en qualité de créateur ex nihilo d’une faculté des sciences est quasiment terminée pour Marcel David .

De 1967 à 1974, il lui appartient désormais de développer des axes forts en recherche scientifique et, en même temps, d’assurer l’insertion de la faculté dans son environnement territorial .

Premier objectif atteint en 1974, par l’association de six laboratoires de recherche au CNRS : deux en physique, deux en chimie, deux en biologie, soit deux fois plus qu’aujourd’hui, en 2018 . Et si les mathématiques sont absentes du palmarès, elles le doivent à l’impossibilité de rivaliser avec Paris et Nancy, deux centres prestigieux auxquels préfèrent se rattacher les enseignants-chercheurs rémois .

Quant au second objectif, la tâche est accomplie au mieux en dix années de prési- dence de l’Association régionale pour l’étude et la recherche scientifique (ARERS), une implication décisive dans la vie culturelle et économique d’une métropole régionale .

L’année 1974 devait être pour Marcel David le retour à la case enseignant- chercheur au quotidien . Mais on ne s’affranchit pas facilement de responsabilités de pilotage de la vie universitaire exercées comme doyen avec brio . Il assumera jusqu’à sa retraite, le 1er octobre 1980, la direction de l’Institut de recherche sur l’enseignement des mathématiques (IREM) et il veillera aux premiers pas du Centre de calcul de l’université de Reims .

Reconnu pour ses qualités de manager, Marcel David le sera tout autant pour la qualité de son enseignement . Ce sera notamment sa désignation de 1958 à 1982 comme examinateur ou maître de conférences à l’École polytechnique . Et, à Reims, ce seront les souvenirs impérissables pour les étudiants d’un maître à la pédagogie lumineuse .

Universitaire par vocation, Marcel David répondra aussi à une inclination profonde pour la défense de la laïcité dans l’Éducation nationale et à un sens aigu de l’engage- ment social . Il sera pendant vingt ans délégué départemental de l’Éducation nationale (DDEN), pendant dix ans, membre du conseil d’administration départemental de la MGEN et présidera la section marnaise de la Fédération des parents d’élèves de l’école publique . Politiquement engagé, il sera le candidat du parti socialiste unifié (PSU) aux élections législatives de 1968 .

Auteur de plusieurs ouvrages d’analyse destinés aux étudiants de licence et d’un article sur la résolution matricielle des équations diophantiennes de Pythagore, le mathématicien Marcel David s’est intéressé après sa thèse à la théorie des graphes et aux équations différentielles stochastiques avec son collègue et ami russe Andreï Kolmogorov qu’il accueillit à Reims en 1958, et auquel il rendit visite à Moscou à l’occasion du Congrès international des mathématiciens de 1966 .

De la théorie des graphes à la pratique de la théorie des jeux de « l’Ouvroir de littérature potentielle », il n’y a qu’un pas que le doyen David aimait franchir au quotidien . Tous ses collègues et amis ont en mémoire les contrepèteries et autres exercices de manipulation des mots et phrases qu’il concevait et faisait partager sans restriction à son entourage .

Décoré de la Médaille de la Résistance le 8 décembre 1945, sous le gouverne- ment provisoire du Général de Gaulle, Marcel David reçut la Légion d’honneur le 24 avril 1963 et fut élevé au grade de commandeur des Palmes académiques le 12 juillet 1965 . La République devait bien ces marques de reconnaissance à l’homme comme à l’universitaire .

Jacques BIERNE,
doyen de la faculté des sciences de Reims (1974-1978)