Mérite et excellence
L'archicube n°14 -
01-06-2013
Mérite et excellence
Avec ce numéro dont le thème central est le mérite, l’Archicube poursuit son exploration des sujets les plus variés, voire les plus délicats à aborder. Notre objectif n’est pas dans ces numéros de nous livrer à une présentation exhaustive d’une question donnée. La tâche dépasserait nos forces, ainsi que les bonnes volontés de ceux qui acceptent de nous accompagner. En revanche, en permettant à des auteurs extrêmement divers de nous exposer leurs réflexions, en abordant ces thèmes par le biais de toutes sortes de points de vue, scientifique, historique, mais aussi philosophique, juridique, politique… nous souhaitons aider nos lecteurs à enrichir leur réflexion sur chacun des sujets abordés. De plus en plus de retours nous parviennent qui semblent indiquer que notre comité de rédaction est bien en train d’atteindre cet objectif. Alors, pourquoi limiter le bénéfice de cette généreuse ambition aux seuls membres de notre association ? D’ores et déjà, de nombreuses organisations nous ont fait savoir qu’elles souhaiteraient recevoir ce numéro sur le mérite, mais cela est vrai pour tous les numéros. Maintenant que notre notoriété commence à se préciser, nous envisageons de diffuser plus largement l’Archicube sur la base d’abonnements ou d’achat au numéro. Nos premières cibles pourraient être les autres ENS ou d’autres écoles avec lesquelles nous entretenons des relations amicales comme l’X ou l’ENA, mais on peut penser à d’autres institutions et personnalités. Alors, chers lecteurs, si comme moi vous appréciez l’Archicube, ne manquez pas d’en faire la promotion ou de nous suggérer des organisations intéressées. La meilleure marque de reconnaissance que nous pouvons apporter à tous nos contributeurs est de diffuser leurs réflexions au plus grand nombre de lecteurs.
Par ailleurs la plus belle preuve de réussite pour le président de l’a-Ulm que je suis serait que, grâce à l’Archicube mais aussi à toutes nos autres actions, le nombre de nos adhérents, anciens élèves, élèves ou amis augmente significativement… ce qui n’est malheureusement pas le cas, peut-être à cause de la crise qui conduit chacun à regarder de plus près son budget. Faites-vous donc aussi les avocats de l’a-Ulm auprès de tous nos camarades. Ce que nous devons à l’École, nous nous devons de le lui rendre en participant à son dynamisme et à son rayonnement, en aidant les élèves à trouver leur voie et leur carrière, en apportant notre aide à ceux qui sont dans le besoin. C’est ce que fait l’a-Ulm grâce à la bonne volonté de ses bénévoles.
Enfin laissez-moi espérer que lorsque vous recevrez ce numéro le nouveau site internet de l’Association sera opérationnel. Allez le visiter. Il sera plus intéressant, plus interactif, plus ouvert à vous tous.
Merci encore au comité de rédaction de l’Archicube, à tous les contributeurs et tout particulièrement à sa rédactrice en chef Véronique Caron.
Jean-Claude Lehmann
Si l’École normale supérieure, qui revendique aujourd’hui « deux siècles d’excellence »[1], a pu apparaître comme l’un des fleurons de l’école du mérite, un bastion défendu par ceux que l’on nommera les « hussards noirs » de la République, et le couronnement de « l’élitisme républicain », l’on se souvient que les critiques les plus sévères sur la reproduction des élites et sur la barrière que l’hérédité oppose aux « boursiers » sont cependant venues du sein même de cette institution, émises par Pierre Bourdieu, boursier archicube.
Quand les agences de notation, l’expertise, les évaluations et les classements internationaux semblent dicter leurs lois en termes d’efficacité, de performance et de compétitivité, il nous a paru judicieux de nous intéresser de nouveau à ces notions, celle, plus ancienne, de mérite, à la lumière de celle, plus moderne, d’excellence.
S’agissant de conceptions par définition toutes relatives (qu’est-ce donc qu’être « excellent », et à partir de quand a-t-on « du mérite » ?), il nous fallait, évidemment, commencer par remettre un peu les choses à leur place… et l’humain en particulier. Merci donc à ceux et celles qui, pour entrer dans ce dossier, nous permettent de relativiser et de corriger nos présomptions anthropocentristes ou individualistes. Mais il apparaissait aussi très vite que les époques successives ? et les différentes cultures ne se font pas une idée unique du mérite ou de l’excellence. L’influence des événements historiques et économiques nous imposait donc d’explorer plus précisément la diversité des temps et des lieux, pour tenter de mieux comprendre le fonctionnement et les enjeux communs de la méritocratie ou de la course à l’excellence.
Le système éducatif représente un passage incontournable de notre réflexion : entre formation et sélection, l’école et son évolution, et la spécificité française que sont les grandes écoles, sont bien sûr au cœur de la problématique et de ses paradoxes. Le mérite scolaire, l’ascenseur social et ses éventuelles « pannes », les « concours » si souvent décriés - alors même que classement et compétition, sous d’autres atours ou dans d’autres domaines, battent leur plein sans que l’on y trouve à redire (« évaluations » pour les dotations de projets, les entretiens d’embauche ou autres sélections sportives…) - tout cela valait bien qu’on y accorde une attention toute spéciale.
Derrière l’école, c’est évidemment, à chaque fois, une société que l’on retrouve, avec sa vision de l’homme, et ses priorités, politiques, économiques ou sociales. Liées directement à la production de jugements de valeur, les conceptions du mérite et de l’excellence sont donc finalement un miroir que la société (ou l’individu) interroge, et dans lequel elle (ou il) tente de se reconnaître.
Comment l’excellence, horizon idéal par définition toujours repoussé, a-t-elle donc créé à chaque époque, ses propres critères ? Comment s’est-elle muée en un moteur puissant et permanent de l’action individuelle aussi bien que collective ? Sur quels critères se fonder pour la mesurer ? Pourquoi la favoriser ? Pourquoi et comment distinguer le mérite? Faut-il même le récompenser ? Méritocratie et démocratie sont-elles compatibles ? Comment corriger les imperfections ou contourner les écueils du système ? Autant de questions auxquelles les différents contributeurs de ce numéro, que nous remercions ici chaleureusement, tentent, chacun dans leur domaine, d’apporter des réponses. Portés par leur expérience sur le terrain ou celle acquise jusque dans les plus hautes instances de l’État, ils nous offrent ici des regards croisés dont la diversité, dans leur rencontre et parfois leur confrontation, retiendra, nous l’espérons, l’intérêt de nos lecteurs.
Véronique Caron (1981 L), coordinatrice du dossier
[1] Voir le site de l’École, http://www.ens.fr/spip.php?article5
LE DOSSIER
Introduction du dossier "Mérite et excellence", Véronique Caron, p.11
Le mérite à l'épreuve de la vie
L'exemple du monde vivant et la relativité de l'excellence, Georges Chapouthier, p.13 - N.B. L'article de Georges Chapouthier est en accès libre. Bonne lecture!
L'"excellence" se mérite-t-elle?, André Langaney, p.17
Excellence ou obsolescence de l'homme?, Hervé Le Guyader, p.24
Réussir ou ne pas réussir : l'échec au concours en Grèce ancienne, Jean Schneider, p.30
Virtus ou De excellentibus ducibus, Jean-Paul Thuillier, p.34
Cultivons nos talents, Régis Brunet, p.39
Les martyrs sont-ils méritants? Relire les Dialogues des carmélites, Violaine Anger, p.44
La deuxième chance, Paul Mathias, p.50
Enjeux et paradoxes de l'éducation: entre formation, émulation et sélection
L'école élémentaire comme ascenseur social: bref aperçu de sa longue histoire dans les milieux populaires, Pierre Caspard, p.57
Quelle (juste) place pour le mérite scolaire?, Marie Duru-Bellat, p.63
L'excellence corrigée par le mérite: l'exemple de la Banque d'épreuves littéraires (BEL), Paul Raucy, p.70
De l'Ancien Régime à la Révolution: la sélection des élites en régime d'égalité, Dominique Julia, p.76
Distinguer l'excellence? L'embarras du choix
La lanterne chinoise des concours, Marianne Bastid-Bruguière, p.84 - N.B. Le site vous offre la possibilité de lire l'intégralité de l'article de Marianne Bastid-Bruguière, publié en abrégé dans la version papier de la revue.
Le concours général: chance, mérite et excellence?, Anne Lewis-Loubignac et Jean-Jacques Duby, p.94
La société des agrégés et la défense des concours, Blanche Lochmann, p.100
Olympisme et grandes écoles, Mireille Kervern-Gérard, p.102
Mérite, excellence et univers de la communication, Jean Hartweg, p.106
Mesurer l'excellence?, Cyril Labbé, p.109
Etranges coutumes: quelques modalités du recrutement universitaire au Canada, Arnaud Bernadet, p.112
Faut-il récompenser le mérite?, Général d'armée Jean-Louis Georgelin, p.119 (cf. photo en page d'accueil)
Corriger, accompagner et servir
Les élites en France depuis l'entre-deux-guerres: entre crise et critique permanente, Christophe Charle, p.129
Le mérite des pauvres, Elisa Chelle, p.136
Un avenir ensemble, Jean Audouze, p.139
Valoriser l'engagement: l'Institut du service civique, Martin Hirsch, 142
Lutter contre les inégalités? Les "Ecuries d'été" ou le travail d'une association en faveur des établissements en difficulté, Alexandre Abensour, p.148
LA VIE DE L'ECOLE
Des travaux à Jourdan, p.153
Goimard, p.155
CARRIERES ET VIE DES CLUBS
Le Club des normaliens dans l'entreprise, p.159
"Rendez-vous carrières": dixième édition spéciale..., p.160
"Semaine de la mer" à l'ENS, p.167
Compte-rendu de la visite du Tara, le 2 février 2013, organisée par Normale Sup'Marine et HEC-Marine, p.170
L'Amicale des normaliens diplomates, p.170
Echo des ENS soeurs, p.172
LES NORMALIENS PUBLIENT, Jean-Thomas Nordmann, Wladimir Mercouroff, Lucie Marignac, p.188
ULMI ET ORBI, p.201
Remise des prix Nobel à Stockholm (10 décembre 2012), Jean-Claude Lehamnn, p.201
Discours prononcé par Serge Haroche à l'occasion de sa réception du prix Nobel de physique, p.203
Compte-rendu de la huitième édition du tournoi de la rue d'Ulm (18 mars 2012), Marouane Essadek, p.205
Rencontres de l'a-Ulm et des alumni de Yale, Jean-Claude Lehmann, p.207
Courrier des lecteurs, Guy Lecuyot, p.209