Hervé Seitz
Cette rubrique reflète la diversité de pensée des normaliens. L’a-Ulm ne cautionne en aucun cas les opinions émises par les interviewés.
Hervé Seitz (1997s) a gagné cette année, devant 1600 candidats, les prestigieux 100 km de Millau après avoir frôlé le succès trois ans de suite. Il est chercheur CNRS en biologie à Montpellier suite à sa formation à l’Ecole en chimie, biologie et informatique, et des années à l’étranger. Comment vit il cette « heureuse » combinaison de la tête et les jambes ?Propos recueillis par Etienne Guyon
Etienne Guyon : Vous êtes biologiste moléculaire, mais vous vous faites connaître pour autre chose...
Hervé Seitz : Oui, mon métier, c'est la recherche en biologie moléculaire, et c'est un métier que j'adore. Mais j'aime aussi beaucoup la course à pied de très longue distance, j'y trouve d'ailleurs un peu les mêmes attraits que dans la science : pour y prendre du plaisir, il faut se livrer sans retenue, ne pas se satisfaire d'un demi-effort. Il m'est arrivé de passer des nuits à travailler au labo, et d'être surpris de voir le jour se lever alors que je pensais juste être un peu en retard pour le dîner … et il m'est arrivé de courir des jours entiers (bon, là, j'avais bien conscience de l'heure qui tournait, c'était en compétition). Je viens, cet automne, de remporter enfin la course qui me tenait le plus à cœur : les 100 km de Millau. C'est une course comme aucune autre, il y a bien d'autres courses de 100 km, même en France, mais elles ne sont pas aussi dures, et il n'y a pas autant de coureurs. L'ambiance sur cette course est formidable, les coureurs s'encouragent mutuellement, ils partagent tous la même souffrance, puis la même satisfaction à l'arrivée. C'est une aventure inoubliable chaque année …
Etienne Guyon : Question : la course à pied ? Comment peut-on concilier course à pied et études scientifiques ?
Hervé Seitz : Un peu curieusement, c'est pourtant l'École qui m'a fait découvrir la course à pied. Mon sport de prédilection, ç'avait toujours été le cyclisme ; j'avais passé mon adolescence sur mon vélo, à arpenter les côteaux du Layon, à grimper les petites côtes le long de la Loire dans mon Anjou natal. Mais en prépa, au lycée Clemenceau à Nantes, il a fallu que je laisse mon vélo de côté, je n'avais plus le temps de m'entraîner. Pendant l'été 1997 (entre le concours et mon entrée à l'École, sur le concours E/S, biologie-géologie), je me suis pris à rêver de pouvoir reprendre le cyclisme … peine perdue : je me suis vite aperçu qu'il n'y avait pas moyen de faire du vélo correctement à Paris (pour trouver une route tranquille, il aurait déjà fallu s'éloigner de quelques dizaines de kilomètres !), et de toute façon, je n'avais guère plus de temps libre. La scolarité nous laissait du temps pour nos loisirs, le problème n'était pas là – le problème, c'était plutôt l'abondance des loisirs ! J'ai adoré ma scolarité, j'avais l'impression, pour la première fois de ma vie, de me trouver dans un milieu qui me ressemblait beaucoup, qui partageait mes centres d'intérêt, ce goût pour l'érudition gratuite, dans la simplicité et dans la bonne humeur.Découvrez la suite de l'Interview.